Le Château de Lauresse (ou Loresse)
Le site féodal de Lauresse remonte au XIème siècle, vers 1090, Hugo DE MONTIBUS, puis Godefroy DE MONTIBUS rendent hommage à Rotrou DE MONTFORT et à Lucie DE GENNES sa femme, leurs suzerains. Nous avons vu comment, à la fin du XIIème siècle Hugues DES MONTS, sire de Lauresse, participa à la 3e Croisade, fut fait sénéchal d'Antioche, et s'en revint, trahi par une épouse volage, finir mélancoliquement ses jours à la Blosserie en Pont-de-Gennes.
En 1371, pendant la guerre de Cent Ans, c'est en récompense de son courage et de ses faits d'armes dans les campagnes de DU GUESCLIN qu'Alain TAILLECOUL reçoit les seigneuries de Lauresse et de Brusson en épousant Bertranne DES MONTS, fille du dernier Hugues DES MONTS. Les TAILLECOUL seront seigneurs de Lauresse pendant deux générations jusqu'au mariage de Perrette TAILLECOUL avec Jehan DE TAILLEMENT lequel meurt en 1449. Les TAILLEMENT possèderont Lauresse pendant la seconde moitié du XVème siècle (règne de Louis XI et de Charles VIII); Ce sont leurs armoiries qui figuraient à la clef de voûte du Croisillon est du transept; mais leur succession s'avéra très aléatoire du fait de la mort prématurée de leurs héritiers et sans doute de la situation précaire des femmes veuves.
Le nom n'est plus cité à partir de 1498 et ne réapparaît qu'en 1522 à l'occasion de la mort du jeune Simon de TAILLEMENT et de sa mère Catherine De LA SAULSAYE. Finalement à la suite d'un procès avec un LAVAL-BOISDAUPHIN, suzerain de Bresteau qui convoitait ce domaine voisin, Lauresse fut attribué à Jacques D'AVAUGOUR, seigneur de Courtalain, cousin au dixième degré des TAILLEMENT défunts. Le 24 février 1553, Jacques d'AVAUGOUR et Catherine DE LA BAUME sa femme, marient leur fille Jacqueline à Pierre DE MONTMORENCY, baron de Fosseux, capitaine de cinquante hommes d'armes sous les règnes de François II, Charles IX et Henri III. Lauresse n'est alors qu'une modeste partie de la dot de la mariée, car celle-ci sera avant tout dame de Courtalain et Bois-Ruffin, solides forteresses du Perche-Gouet, et après sa mère, comtesse de Châteauvillain, fief aux confins de la Champagne et de la Bourgogne.
Pierre de MONTMORENCY-FOSSEUX et Jacqueline d'AVAUGOUR auront onze enfants parmi lesquels, le troisième Pierre, se verra attribué la terre de Lauresse et sera ainsi le premier MONTMORENCY-Lauresse; aussi capitaine de cinquante hommes d'armes il était gouverneur du Perche et de Château-du-Loir et très haut placé dans l'estime du roi Henri IV gouverneur du Perche et de Château-du-Loir et très haut placé dans l'estime du roi Henri IV.
La France endurait alors les cruelles guerres de religion; les premiers MONTMORENCY, loyaux serviteurs de la monarchie, toujours en campagne, ne durent guère avoir le loisir de s'intéresser à leur domaine de Lauresse où ne résidaient sans doute que des vassaux et serviteurs. Sous les rois Bourbon s'instaura une ère de paix et de restauration, et c'est vraisemblablement à Pierre II DE MONTMORENCY-Lauresse qu'il faut attribuer la construction du château actuel, belle demeure dont l'ordonnance rappelle l'architecture des châteaux d'Ile de France du milieu du XVIIème siècle.
Le château de Lauresse se compose d'un long corps de logis avec, au centre de chaque façade une légère avancée à fronton triangulaire et un perron pour accéder au hall d'entrée; ce logis s'encadre à ses extrémités de deux pavillons en avant-corps. La brique rose est le matériau qui souligne toutes les lignes importantes de la façade: jambages des fenêtres et linteaux en arc surbaissé, pilastres de l'encadrement des portes, cordons et corniches, angles ou chaînages des murs. Le soubassement est en pierre de taille et ses ouvertures également en arc surbaissé. L'entrée noble, en venant du bourg est orientée au nord ; c'est une large allée à doubles rangées d'arbres pénétrant ensuite au milieu des parterres de l'ancienne cour carrée encore entourée en partie de ses vieux murs. Aux angles N.O. et N.E deux pavillons cubiques à toit d'ardoise à la Mansard, l'un à l'usage d'habitation, autrefois pour le cocher, l'autre servant de remise aux voitures. Au côté sud du château, sur une large étendue, en légère pente inclinée vers le sud-est, le parc orné de quelques massifs de fleurs étale une immense pelouse que contourne une belle allée plantée de chênes et de tilleuls. A l'est, le vieux portail avec son blason martelé, dans un mur encore percé de meurtrières rappelle des origines plus anciennes et la dépendance immédiate des bâtiments aux vieux toits des deux fermes voisines. La fuie du Domaine, quelques vestiges de maçonnerie, l'humble chapelle Sainte-Catherine et les appartenances restaurées vers 1960 par M. le Comte D'HEBRAY sont les derniers témoins de l'ancien château féodal. Pierre II DE MONTMORENCY avait épousé en 1628 Louise DE LOMBELON, fille du seigneur des Essarts dans l'élection de Conches en Normandie. Il était chambellan du prince de Condé; il ne résidait donc pas de façon continue à Lauresse, cependant les registres paroissiaux révèlent qu'il y faisait des séjours fréquents et prolongés.
C'est madame DE MONTMORENCY qui broda en soie et fil d'or une magnifique chasuble, une étole et un voile de calice, trésors de notre Sacristie, classés monuments historiques. Monsieur et Madame DE MONTMORENCY moururent tous les deux à Paris, paroisse Saint Sulpice, lui en 1668, elle en 1678. Le coeur de cette dernière fut ramené à Lombron, enfermé dans une urne de plomb qui fut encastrée dans une niche du pignon est du transept. On voit encore à cet emplacement la plaque de cuivre en forme de coeur rappelant le souvenir de cette "haute dame". La construction du château n'était pas terminée, on y travaillait encore au début du XVIIème siècle. On sait notamment que lors des travaux de couverture, le 26 novembre 1695, Sylvestre EDOM, couvreur de la ville du Mans fit une chute "de dessus le bâtiment de Loresse, sur lequel il travaillait" et dut être inhumé le lendemain dans le cimetière.
En 1698, la terre est acquise par Charles DU LISCOUET, Sénéchal du Maine, et Marguerite DE GENNES sa femme; à partir de 1713 c'est le neveu de celle-ci, Jacques LE COUSTELIER DE SAINT-PATER qui en hérite. Depuis son âge de dix-neuf ans où il reçut une compagnie dans le régiment "Dauphin infanterie" jusqu'en 1714 où on le voit gouverneur de Schelestadt en Alsace, et commandeur de l'ordre militaire et royal de Saint-Louis, Monsieur DE SAINT-PATER a toujours été au service dans les armées de Louis XIV. A la fin du règne, et des guerres, le marquis décide de se retirer dans sa terre de Lauresse. Il constitue sa maison avec valet de chambre, homme d'affaires, cuisinier, cocher, laquais et palefreniers. Il a une douzaine de chevaux, tant de main que de carrosse. Le château est meublé; sept lits de maîtres et vingt lits de domestiques; batterie et ustensiles de cuisine, quantité de linge et 17000 livres de vaisselle d'argent. Il n'a pas jugé à propos de terminer l'aile du château qui était imparfaite, préférant embellir les jardins. Le mardi 15 avril 1738, monsieur de SAINT-PATER quitta Lauresse en bonne santé pour se rendre au Mans dans sa maison de la rue de Quatre Roues; la mort le surprit, âgé de plus de quatre-vingts ans le samedi suivant; il reçut la sépulture dans l'église de la Couture. Ce vieux militaire, décédant sans alliance et sans postérité, ce fut son petit cousin Jacques PINEAU DE VIENNAY, baron de Lucé qui hérita la terre de Lauresse. Monsieur de Lucé, Conseiller du Roi en ses conseils, président du grand Conseil, conseiller d'Etat, intendant de Touraine, puis de Valenciennes, d'Alsace enfin de 1743 à 1764, ne fit que de rares et courtes apparitions dans le Maine et seulement pour visiter l'important chantier du nouveau château qu'il faisait construire au Grand-Lucé, qu'il n'eut pas le temps de voir achever, puisqu'il mourut âgé de cinquante-quatre ans le 24 septembre 1764 en venant inspecter les travaux de la cour d'honneur.
Après la mort de M. DE LUCE, son patrimoine sera partagé entre ses trois filles, la plus jeune, Marie-Jacquette mariée à Jean-François LEVESQUE DE VOUZIERS recevant Lauresse, mais elle meurt en 1789 et sa fille Jeanne Françoise LEVESQUE DE VOUZIERS qui a épousé son cousin germain Claude-François D'ARGENCE meurt aussi le 7 floréal an IX (1801). Cette dévolution de Lauresse, deux fois pendant la période révolutionnaire à des femmes qui ne résident pas dans la région explique à la fois son abandon et la perte de tout souvenir. En 1806, c'est une nièce par alliance de la dernière héritière, Jacqueline Charlotte LEVESQUE DE VAUDIERES, femme de Charles-Marie PATE, habitant Reims qui vend, par devant notaire à Paris, le château de Lauresse à un négociant manceau Martin GUILLOUARD; celui-ci approvisionnait en plomb, manganèse et minium les potiers de Malicorne et Ligron, sans doute aussi les petits ateliers voisins de Prévelles et de la Chéronne. Il habita Lauresse mais demeurait au Mans rue de Quatre Roues où il mourut le 27 décembre 1827.
Le château fut alors partagé entre, son fils Auguste-François et sa fille Marie-Desirée mariée à Pierre-Eugène LANGLOIS, autre négociant de la place des Halles, propriétaire rue d'Hauteville et qui, aussi propriétaire à Lombron de plus de 300ha, (Le domaine, Sainte Catherine, la Bleudière, la Charbonnière, le Pré-Neuf, l'Allée, Puizeaux, la Simonnière, le Chêne-Verger, La Léverie, la Renardière, la Montjointière, les Cassoirs) semble bien être un descendant de Pierre LANGLOIS, "ci-devant officier du roi en cette paroisse", agent de Monsieur de SAINT-PATER et receveur de la terre de Loresse, cité sur les registres paroissiaux entre 1738 et 1743. C'est madame LANGLOIS qui vendit le château en 1864 à Monsieur et Madame LORETTE, ancien maire de Bonnétable et préfet des DEUX-SEVRES. Admis à faire valoir ses droits à la retraite après la proclamation de la République le 4 septembre 1870, monsieur Ambroise LORETTE se retira au château et y mourut le 10 décembre 1874.
Quelques temps après, le baron REY, ancien officier commandant les mobiles d'Eure-et-Loir qui avaient campé dans le parc du château pendant les combats des 10 et 11 janvier 1871, assistant à une réception au château de Montfort, apprenait de la bouche de M. DE VOGUË, père de la marquise DE NICOLAY, que l'ancien préfet était mort et que Mme LORETTE avait mis le château en vente. Il s'en porta acquéreur le 6 mai 1877. Monsieur Emmanuel GUILLAUME-REY était un archéologue et un orientaliste éminent; ayant participé à d'importantes missions scientifiques en Mésopotamie et en Palestine, il était l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'art des fortifications au Moyen-Orient. Après sa mort en 1916, sa fille Madame la baronne DE LOYNES DU HOULAY, vivra à Lauresse jusqu'en 1959, léguant son patrimoine à sa nièce, madame d'HEBRAY DE POUZALS, née Nicole DE LOYNES DU HOULAY. C'est Monsieur le Comte d'HEBRAY DE POUZALS qui, dans les années 60, confiant la direction d'importants travaux à Monsieur Vincent FAY, architecte..., restaura entièrement le château, l'aménagea avec le confort moderne et remit en état les charmilles, le parc et les parterres. Aujourd'hui, le château est la propriété de Madame et Monsieur LECOT.